La protection des droits de l’enfant au sein de l’Organisation de la Conférence islamique

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Les ministres des Affaires étrangères des Etats arabes[1] ont tenu une réunion extraordinaire au Caire du 25 au 28 août 1969 à la suite de l’incendie de la mosquée Al-Aqsâ, à Jérusalem, qui est l’un des trois sanctuaires de l’Islam[2]. Cet acte a provoqué l’indignation et la protestation des musulmans du monde entier.

A la fin de leurs travaux, ils ont adopté le principe de la convocation d’une conférence islamique, en laissant au gouvernement marocain le soin de faire les préparatifs nécessaires. Trente cinq Etats ont ainsi été invités au premier Sommet islamique. Les participants à ce premier Sommet qui s’est tenu en septembre 1969 à Rabat (Maroc), ont décidé qu’une réunion des ministres des Affaires étrangères des Etats participants aurait lieu au mois de mars 1970 à Djedda en Arabie saoudite en vue de créer une organisation régionale en jetant les bases d’un Secrétariat permanent pour assurer la liaison entre les Etats membres et pour coordonner leur action.

C’est la troisième Conférence des ministres des Affaires étrangères des Etats islamiques qui s’est réunie du 29 février au 4 mars 1972 à Djedda, en présence de vingt trois délégations des Etats islamiques qui a créé, en adoptant sa Charte, l’Organisation de la Conférence Islamique (O.C.I.), et en choisissant la ville de Djedda comme siège temporaire de cette organisation[3].

L’O.C.I., regroupe 57 Etats membres[4], et elle se compose de quatre organes principaux, treize organes subsidiaires et six commissions spécialisées[5].

Nous allons examiner dans cet article les efforts de l’O.C.I. dans le domaine de la protection des droits de l’enfant, en présentant la Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique (I), et puis le Covenant des droits de l’enfant en Islam (II).

I. La Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique

Les Rois et les Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’O.C.I ont adopté, lors du 7e Sommet islamique tenu à Casablanca (Maroc) du 13 au 15 décembre 1994, "La Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique"[6].

La Déclaration contient un préambule (A), 9 articles (B) et une conclusion (C).

A. Le préambule

Le préambule expose dans ces premiers paragraphes les convictions des Etats membres de l’O.C.I. dans les valeurs et les principes sociaux de l’Islam.

Le faible attachement de plusieurs sociétés islamiques à ces valeurs et spécialement "aux droits et à la protection de l’enfant" a causé, d’après ce préambule, la destruction de l’entité familiale et d’autres maux.

Il a insisté sur l’importance de la protection des enfants dans la vie d’une nation car ils représentent "les pionniers de demain et les artisans de son avenir, et que le sort de cette nation et les perspectives de l’avenir de ses générations futures sont tributaires du genre d’éducation prodiguée à ces enfants et de l’intérêt qui leur est accordé".

Les Etats membres de l’O.C.I., ont proclamé, d’après le préambule, les principes de la Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique, en reprenant en considération, d’un côté, les objectifs de cette Organisation, et des conventions et chartes internationales approuvées par ces Etats membres. D’un autre côté, ils ont proclamé leur conviction que l’enfant a besoin "d’une protection spéciale où se conjuguent et se complètent les efforts de la famille, de l’école et de la société".

B. Les articles

Les articles de la Déclaration commencent tous par le mot "L’Islam" ce qui signifie que la base essentielle et la source de ces articles est cette religion, ses principes et ses enseignements. La Déclaration traite les questions suivantes:

1. La famille

La famille est au centre des préoccupations de l’enseignement de l’Islam depuis toujours[7]. L’article 1er de la Déclaration reprend quelques règles du droit musulman ou la Charria[8], concernant l’interdiction de l’adultère (Zina) ou le pêché de chair, qui menace la famille, ainsi que "la déviation sexuelle aussi bien à l’homme qu’à la femme".

D’autre part, cet article 1er insiste sur les bonnes santés physiques et psychologiques des futurs mariés et les conditions du mariage en vue "de protéger l’enfant avant l’étape de sa conception".

2. Les droits du fœtus

Cette question des droits du fœtus représente une originalité indiscutable des règles du droit musulman car celles-ci protégent le fœtus et ses droits de l’état d’un caillot de sang. Ces droits sont la possession des biens et la succession.

L’article 2 insiste également sur la protection de la femme enceinte "en lui assurant la pension alimentaire et un traitement digne", sans oublier de l’exempter de certaines obligations religieuses.

Cet article a interdit l’avortement sans donner des explications concernant les raisons de cette interdiction ou les conditions qui permettent de pratiquer l’avortement[9].

3. Les droits du nouveau-né

Il n’y a pas de distinction, d’après cet article 3, entre le nouveau-né garçon ou fille dans la jouissance de la protection prévue par cette Déclaration et le droit à la vie.

Cet article revient, d’ailleurs, sur une ancienne coutume pré-islamique qui consistait à enterrer vivants les nouveaux-né féminins. Une coutume condamnée par l’Islam[10].

L’égalité entre l’homme et la femme concernant le droit à un bon traitement est confirmé par cet article 3, mais où en sommes-nous de l’égalité entre l’homme et la femme également en droits? C’est un autre sujet qui mérite d’être débattu dans les Etats membres de l’O.C.I.[11].

4. Les droits la filiation

Le droit de la filiation est très important dans la tradition musulmane. Ainsi, l’article 4 de la Déclaration considère le droit de filiation comme un droit imprescriptible d’où l’interdiction de l’adoption d’après les règles du droit musulman[12]. Une interdiction confirmée par cet article qui précise, d’un autre côté, que rien "n’empêche qu’une famille intègre en son sein un enfant étranger et le protège". Et, il l’invite à le faire.

5. Le droit à la garde

La question de la garde de l’enfant est un droit et un devoir d’après cet article 5 de la Déclaration.

Un droit de l’enfant qui lui permet d’assurer "une protection matérielle et psychologique". Un devoir qui doit être accompli par la mère ou quiconque mais "selon les règles de la Charria islamique".

Cet article invite à aider les enfants des familles démunies de jouir du droit à l’éducation. Nous pensons que la place de ce droit à l’éducation est plutôt parmi les dispositions de l’article 8 de la Déclaration qui traite du droit à l’enseignement, et la garde de l’enfant n’est pas un lien direct avec le droit à l’éducation.

6. Le droit à la protection sociale, sanitaire, psychologique et culturelle

Cet article 6 est le plus long de la Déclaration. La famille, le mariage, la mère, la mère nourrice, la femme travailleuse et l’enfant sont au centre de cet article. Le traitement égal et sans discrimination à l’égard de l’enfant est recommandé par les différents paragraphes de la Déclaration.

La mère en particulier et les parents en général doivent être traités avec considération et avec bon traitement de la part des enfants.

L’article parle du rôle du tuteur (Wali) et du curateur (Wassi) pour garantir la protection de l’enfant.

L’enfant "qui a une conduite déréglée" n’est pas considéré par cet article comme un enfant "criminel". L’Islam prescrit, d’après cet article, des dispositions afin de le redresser en tenant compte de ses conditions.

D’autre part, l’article confirme les droits de l’enfant à la nourriture, à l’habillement, au logement, au repos et au loisir. Il attire l’attention sur les différentes formes de protection de l’enfant sur les plans: sanitaire, physique et psychique, maladies et malnutrition, et les stupéfiants et les boissons alcoolisées.

7. Droit à la propriété

L’article 7 confirme le droit de l’enfant, sans distinction entre fille et garçon, à la propriété et son droit à posséder "par don, legs et l’héritage". Les normes légales et morales définis par l’Islam protègent ces droits. Et, cet article rappelle, enfin, le droit du fœtus à la propriété.

8. Droit à l’enseignement

L’égalité entre les enfants garçons et filles à la gratuité de l’enseignement fondamental est confirmée par cet article 8 de la Déclaration. Le but de cet enseignement est de cultiver et de connaître "les principes de la Foi et de la législation islamique et les bases culturelles de la société". Il faut également donner les moyens nécessaires pour développer chez cet enfant sa mentalité, son psychisme, sa conscience et son corps.

Le 2e paragraphe de cet article soulève une question très délicate: "la liberté de l’homme d’embrasser librement et en dehors de toute contrainte, la religion de son choix". Il rappelle que l’Islam interdit au musulman "d’abjurer sa religion" en incombant à la société musulmane le devoir de sauvegarder la "Foi de ses enfants et à protéger ceux-ci contre les tentatives visant à les faire renier leur religion musulmane".

9. Droits de l’enfant dans les circonstances exceptionnelles

Cet article énumère les conditions particulières et les difficultés de certaines catégories d’enfants, et qui mérite une attention spéciale. Ce sont:

  1. "les enfants ayant perdu leurs parents ou l’un d’eux,
  2. les enfants handicapés,
  3. les enfants réfugiés ou détenus,
  4. les enfants nés hors mariage ou abandonnés,
  5. les enfants en périodes de guerres ou de catastrophes naturelles,
  6. les enfants employés,
  7. les enfants mendiants,
  8. les enfants apatrides"

C. Conclusion

La conclusion de cette Déclaration encourage les Etats membres de l’O.C.I., à accomplir les démarches suivantes:

1. Inclure les principes de la Déclaration dans leurs législations nationales et les respecter dans leurs pratiques internationales.

2. Accueillir favorablement les efforts qui restent conformes à la législation islamique déployés sur le plan local, régional ou international et qui cherchent à protéger l’enfant.

3. Signer et ratifier la Convention sur les droits de l’enfant.

4. Œuvrer en vue de réaliser les objectifs de la Déclaration universelle sur la survie, la protection et l’épanouissement de l’enfant, d’une part, et le plan d’action adopté par le Sommet mondial de l’enfant tenu au siège des Nations Unies à New York les 29 et 30 septembre 1990, d’autre part.

La conclusion de la Déclaration contient sans doute plusieurs points positifs comme l’encouragement des Etats membres de l’O.C.I., à signer et à ratifier la Convention des Nations Unies des droits de l’enfant de 1989. Mais, elle manque, à notre avis, d’une demande qui aurait dû s’adresser au Secrétariat général de l’O.C.I., en vue de préparer une Convention des droits de l’enfant en Islam et d’encourager ses Etats membres pour la signer, en premier temps, et puis la ratifier.

Cette démarche a été réalisée par l’adoption du Convenant des droits de l’enfant en Islam.

II. Le Covenant des droits de l’enfant en Islam

C’est la 32ème Conférence des ministres des Affaires étrangères des Etats islamiques qui s’est réunie du 28 au 30 juin 2005 à Sana’a (Yémen), qui a adopté le texte du Covenant des droits de l’enfant en Islam[13].

Nous allons présenter le préambule (A) et les 26 articles de ce Covenant (B).

A. Le préambule

Ce préambule explique que les Etats partis à ce Covenant sont guidés, en premier lieu, par les valeurs et les principes de l’Islam, par le rôle tant historique que civilisateur de l’Oummah islamique et par les règles de la Charia islamique, d’une part.

Les Etats islamiques poursuivent, d’autre part, et à travers ce Covenant, les efforts "islamiques", de ceux de l’O.C.I., et ceux de l’O.N.U. en adoptant la Convention des Nations unies des droits de l’enfant de 1989[14].

Le préambule fait référence aussi à plusieurs instruments concernant les droits de l’homme adoptés par l’O.C.I. comme: la Déclaration de Decca des droits de l’homme en Islam de 1983, la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam de 1990[15] et la Déclaration des droits de l’enfant et sa protection en Islam de 1994[16].

Ces Etats sont convaincus que les droits fondamentaux et les libertés publiques en Islam "font partie intégrante de la religion musulmane et que nul n’a le droit de les suspendre, de les violer ou de les ignorer". Ils reconnaissent que chaque enfant jouit de ses droits "sans discrimination".

Le dernier paragraphe du préambule est très important car il dévoile le vrai but du Covenant qui cherche à réaffirmer "les droits de l'enfant dans la charia Islamique et ses prescriptions", en tenant compte des législations des Etats partis.

Le Covenant respecte aussi les droits des enfants "issus des minorités et communautés non musulmanes", en affirmant ainsi "les droits humains que les enfants musulmans et non musulmans ont en partage".

Ces précisions sont très importantes car, et comme nous allons le voir plus tard quelques articles de ce Covenant parlent seulement des droits des enfants musulmans, sans mentionner les autres enfants dans les Etats partis.

B. Les articles

Nous pouvons classer les droits et les libertés protégés par les articles du Covenant dans plusieurs catégories:

1. La définition de l’enfant

Le 1er article tente de donner une définition de l’enfant: "un enfant s’entend de tout être humain n’ayant pas atteint l’âge de la majorité en vertu de la législation qui lui est applicable".

Mais on se demande si cela est vraiment une définition. La Convention des Nations unies des droits de l’enfant de 1989 est plus précise et plus claire dans ce domaine car son article 1er définit un enfant comme: "tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable"[17].

D’autre part, l’âge de la majorité varie d’un Etat islamique à un autre. Or, ce manque de précision n’aidera pas les ONG dans le Monde musulman qui se battront pour fixer l’âge de la maturité de l’enfant à dix-huit ans et pour assurer à cet être humain plus de protection dans ces Etats.

2. Les objectifs et les principes

L’article 2 du Covenant précise, d’une part, ses objectifs qui consistent à:

  1. Protéger la famille.
  2. Assurer "une enfance saine et tranquille et la formation de générations d'enfants musulmans".
  3. Porter une attention particulière à l’enfance et à l’adolescence.
  4. Généraliser l'enseignement de base obligatoire et l'enseignement secondaire, assurer sa gratuité "au profit de tous les enfants sans aucune distinction basée sur le sexe, la couleur, la nationalité, la religion, le lieu de naissance ou toutes autres considérations", et développer l’enseignement à travers diverses mesures.
  5. Créer les conditions qui aideront les enfants à découvrir leurs talents et leur permettre de jouer leur place au sein de leur famille, et leurs sociétés.
  6. Accorder une attention particulière aux enfants en situations difficiles.
  7. Apporter l’assistance et le soutien "aux enfants musulmans aux quatre coins de la planète".

Ce sont des objectifs clairs et encourageants, et correspondants aux objectifs de plusieurs textes internationaux et régionaux qui protègent les droits de l’enfant. Néanmoins, il y a, à notre avis, quelques points litigieux: pourquoi le 2e paragraphe de cet article 2 limite la formation aux enfants musulmans et pas à tous les enfants en général vivants dans les Etats islamiques? Pourquoi l’assistance et le soutien doivent être apportés, d’après le 7e paragraphe aux enfants musulmans seulement?

Le 4e objectif assure la gratuité de l’enseignement sans aucune distinction. Cette égalité devant l’enseignement aurait dû concerner la formation des enfants et toute leur assistance sans aucune distinction.

L’article 3 définit, d’autre part, les principes à réaliser et qui sont:

  1. Le respect des règles de la Charia et des législations des Etats membres de l’O.C.I.
  2. Le respect des objectifs et des principes de cette Organisation.
  3. La protection aux droits, intérêts et épanouissement des enfants.
  4. L’égalité "entre les enfants en matière de protection, de droits et de devoirs".
  5. La non ingérence dans les affaires internes des Etats membres de l’O.C.I.
  6. Le respect "des constantes culturelles et civilisationnelles de la Oummah Islamique".

Ces principes nous rappellent les principes énoncés dans la Charte de l’O.C.I[18] et ils ne concernent pas directement les droits de l’enfant sauf les principes 3 et 4. Mais l’affirmation de l’égalité entre les enfants énoncés par le 4e principe atteint, peut-être, les critiques adressées à quelques objectifs de ce Covenant.

3. Les obligations des Etats parties

Le Covenant incombe aux Etats partis dans le 1er paragraphe de son articles 6, le respect des droits énoncés dans ce dernier en prenant les mesures nécessaires à l’application conformément à leurs procédures internes, d’une part.

D’autre part, le respect des responsabilités et des droits des "parents, des tuteurs ou des autres personnes responsables de l'enfant conformément à leur législation interne et à l'intérêt de l'enfant" est affirmé dans le 2e paragraphe de ce même article.

La nouveauté est affichée par le 3e paragraphe, qui est très important, à nos yeux, car il demande d’ "abroger les coutumes, traditions et pratiques incompatibles avec la Charia Islamique et avec les droits et obligations énoncés dans la présente Convention". Les enfants dans les Etats islamiques sont confrontés à beaucoup de problèmes et de phénomènes issus des coutumes et des traditions qui n’ont rien à voir ni avec les règles de la Charia ni avec les droits positifs de ces Etats. On trouve parmi ces graves problèmes: l’excision des filles, le mariage forcé des filles et le bas âge des garçons et des filles lors de mariage.

4. L’égalité pour jouir des droits et des libertés

L’article 5 affirme l’égalité de tous les enfants dans la jouissance des droits et libertés énoncés dans la Covenant et "sans aucune distinction basée sur le genre, l'origine, la race, la religion, la langue, l'appartenance politique ou toute autre considération préjudiciable à l'enfant, à la famille ou au représentant légal de l'enfant". Et, c’est aux Etats partis au Covenant de garantir cette égalité.

C’est un article très important mais qui soulève quelques interrogations concernant sa compatibilité avec les autres articles du Covenant comme par exemple les paragraphes 2 et 7 de l’article 2.

5. Les droits et les libertés de l’enfant

Ces droits et libertés sont garantis par les articles: 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18. Ce sont:

  1. Le droit à la vie (art. 6).
  2. Le droit à un prénom (art. 7 § 1).
  3. Le droit à une nationalité (art. 7 § 2).
  4. Le droit de quitter son pays (art. 8).
  5. Les libertés individuelles (art. 9).
  6. La liberté d’association (art. 10).
  7. Le droit à l’éducation (art. 11).
  8. Le droit à l’enseignement et culture (art. 12).
  9. Le droit à des heures de repos et activités (art. 13).
  10. Le droit à la garde et à l’entretien (art. 14).
  11. Le droit à la protection sanitaire (art. 15).
  12. Le droit des enfants handicapés à des soins spécifiques (art. 16).
  13. L’interdiction de l’usage illicite de différentes substances (art. 17 § 1).
  14. L’interdiction de toutes les formes de torture ou de traitement inhumain ou dégradant (art. 17 § 2).
  15. L’interdiction de l’exploitation de l’enfant sous toutes les formes et surtout l’exploitation sexuelle (art. 17 § 3).
  16. L’interdiction de vendre des moyens culturels, intellectuels, médiatiques ou des télécommunications "incompatibles avec la Charia Islamique ou contraire aux intérêts nationaux des Etats partis" (art. 17 § 4).
  17. Le droit à des heures de repos et à la pratique de loisir (art. 18 § 1).
  18. Le droit à la participation à la vie culturelle (art. 18 § 2).

6. La cohésion familiale

Le 1er paragraphe de l’article 8 du Covenant cherche à assurer une cohésion sociale en protégeant la famille contre "toute cause d'affaiblissement et de désintégration".

Le 2e paragraphe interdit de séparer l’enfant de ses parents contre leur gré sauf "en cas de nécessité absolue, sur mandat légal et conformément à la législation interne et à des règles judiciaires permettant à l'enfant, à ses deux parents et à l'un d'eux ou à un autre membre de la famille de faire valoir ses doléances".

Les Etats partis doivent, d’après le 3e paragraphe, tenir compte des intérêts supérieurs de l’enfant lors de la préparation de leurs politiques sociales.

7. Les garanties judiciaires

Le paragraphe 1er de l’article 19 assure à l’enfant quelques garanties judiciaires. Ainsi, il est interdit de priver l’enfant de sa liberté qu’en vertu d’une loi, et pour une période "appropriée et limitée".

Le 2e paragraphe de ce même article exige de traiter l’enfant privé de sa liberté d’une façon digne, en tenant compte de son âge, et avec respect des droits et des libertés fondamentales de l’homme.

Le 3e paragraphe détaille d’autres garanties semblables à celles figurants dans d’autres conventions internationales relatives aux droits de l’homme.

8. La responsabilité des parents

Le 1er paragraphe de l’article 20 incombe aux deux parents la responsabilité de l’éducation et de la bonne formation de l’enfant.

Le 2e paragraphe du même article rend, cette fois-ci, les deux parents, le responsable légal et les Etats partis au Covenant, responsables de la protection de l’enfant contre les pratiques et les coutumes nuisibles dans les domaines sanitaire, social ou culturel. Cette protection doit être conforme aux règles de la Charia, d’une part. Ce même paragraphe insiste, d’autre part, sur l’interdiction de la discrimination entre les enfants sur la base du sexe ou autre motif dans le domaine de la protection de la dignité de l’enfant, son bien être et son développement. Ce qui représente, à notre avis, une affirmation importante concernant l’égalité entre les enfants de différent sexe.

9. Enfants réfugiés

Le Covenant a consacré un article pour incomber aux Etats partis le devoir d’assurer aux enfants réfugiés ou assimilés, dans la mesure du possible, la jouissance des droits prévus par celui-ci et dans le cadre de leurs législations nationales[19].

C’est un article important et significatif dans la mesure où le problème des réfugiés en général, et les enfants réfugiés en particulier ne bénéficient d’aucune protection collective de la part des Etats islamiques car aucun texte n’a été adopté par l’O.C.I. en vue de protéger les droits des réfugiés dans ces Etats[20].

10. Mécanisme de mise en œuvre

Est-ce que nous pouvons parler d’un vrai mécanisme de mise en œuvre de ce Covenant en examinant les différents paragraphes de son article 24?

Le 1er paragraphe explique que les Etats partis "conviennent de créer une commission Islamique des droits de l'enfant". Les membres de cette Commission sont les représentants de tous les Etats partis au Covenant. Or, il aura fallu que cette Commission soit composée, à notre avis, d’experts indépendants pour garantir l’indépendance, l’impartialité et l’efficacité de ses travaux et de ses décisions, d’une part.

D’autre part, ce même paragraphe ne porte aucune précision concernant la vraie nature du rôle de cette Commission. Est-ce qu’elle a un rôle de promotion ou un rôle de protection? Et, si c’est un rôle de protection, est-ce que les Etats partis doivent présenter des rapports initiaux et périodiques comme ce fut le cas pour le Comité des droits de l’enfant créé par la Convention des Nations unies des droits de l‘enfant de 1989? Ou est-ce qu’elle le droit de recevoir des communications étatiques ou individuelles? Le 5e paragraphe de l’article 3 du Covenant interdit l’ingérence dans les affaires internes des Etats membres de l’O.C.I. Est-ce que cela signifie que la présentation des communications étatiques est interdite?

Enfin, le 1er paragraphe précise que la Commission se réunit "en vue d'examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la convention", mais de quelle façon, et par quel mécanisme?

Beaucoup de questions restent sans réponses en attendant la constitution de cette "Commission islamique".

La Commission tient ses réunions, d’après le 2e paragraphe, au siège du Secrétariat général de l’O.C.I. "une fois tous les deux ans". Mais, nous nous demandons si la protection des enfants dans les Etats islamiques et le respect des obligations des Etats partis découlant de ce Covenant ne méritent pas, au moins, une réunion une fois par an à l’instar des réunions du Comité des droits de l’enfants?

Le 2e paragraphe de ce même article 24 explique que les délibérations des réunions de la Commission sont régies par "les règles de procédure applicables aux réunions de l'O.C.I.". Mais, est-ce que ce sont les règles qui sont applicables aux réunions des organes de cette Organisations ou ces institutions spécialisées? Nous sommes encore une fois, en présence de questions qui restent sans réponses. Une seule règle est bien définie, le quorum des réunions de la Commission est valable "avec la présence de deux tiers des Etats partis" au Covenant.

11. Dispositions finales

Le Covenant est ouvert, d’après son article 22, à la signature, à la ratification ou à l’adhésion de tous les Etats membres de l’O.C.I., ce qui signifie que les Etats non-membres de cette Organisation n’ont pas le droit de se joindre à ce Covenant. Et, les instruments de ratifications doivent être déposés auprès du Secrétaire général de celle-ci.

Le Covenant entrera en vigueur, en vertu de l’article 23, le 30ème jour après la date du dépôt du 20e instrument de ratification auprès du Secrétaire général de l’O.C.I. Cet instrument entrera en vigueur pour l’Etat parti "le 30ème jour après la date du dépôt de l'instrument d'adhésion de l'Etat concerné".

Le 1er paragraphe de l’article 25 donne aux Etats membres le droit "d'émettre des réserves sur certains points de la présente convention ou de les retirer après en avoir avisé le Secrétaire général de l'O.C.I.". Mais quels sont ces points, ou quels sont les points qui n’acceptent pas de réserves? Cette ambiguïté permettra, à notre avis, d’abuser du droit d’émettre des réserves.

Chaque Etat parti a la possibilité, d’après le 3e paragraphe de cet article, de présenter une demande pour amender ce Covenant en s’adressant au Secrétaire général de l’O.C.I. Mais cet amendement «n'entre en vigueur qu'après accord des 2/3 des Etats Membres de l'O.C.I.".

Le 2e paragraphe de cet article donne à chaque Etat parti le droit de se retirer du Covenant à n'importe quel moment. Mais, il faut en aviser le Secrétaire Général de l'O.C.I. Et, "le retrait prend effet à compter du 30ème jour suivant la réception par le Secrétaire général de cet avis".

Les trois langues officielles de l’O.C.I., à savoir: l’anglais, l’arabe et le français font, d’après l’article 26, toutes foi pour ce Covenant.

Conclusion

La Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique de 1994 est une déclaration qui tente d’exposer les principes de l’Islam concernant plusieurs sujets importants comme: les droits du fœtus, le droit à la filiation et la question de l’adoption liée à ce droit, le droit à l’enseignement et la liberté d’adopter ou de changer de religion surtout concernant les enfants.

Le préambule parle beaucoup des principes et des valeurs islamiques. Il a fait appel, et à plusieurs reprises, à la nécessité du retour à ces principes et valeurs.

D’autre part, son préambule fait référence aux conventions et chartes internationales qui protégent les droits de l’enfant ce qui montre l’attachement des Etats membres de l’O.C.I. à ces textes internationaux et ce qui les a amené à signer et à ratifier la plupart d’entre elles.

Nous sommes donc en présence d’un texte qui mélange la théologie au droit avec quelques spécificités importantes comme les droits du fœtus et l’égalité entre les garçons et les filles, et la nécessité d’apporter une attention particulière à certaines catégories d’enfants souffrant d’handicaps ou de quelques difficultés économiques et sociales.

Le Covenant des droits de l’enfant en Islam de 2005 ne contient pas d’originalité par rapport à d’autres conventions internationales et régionales relatives aux droits de l’enfant, sauf quelques rares exemples comme les droits de l’enfant réfugié et la protection de la cohésion familiale. De plus, quelques dispositions de ce Covenant ne garantissent pas une égalité totale dans l’exercice de tous les droits et libertés énoncés par celui-ci. Ainsi, quelques uns de ceux-ci sont garantis seulement pour les enfants musulmans.

D’autre part, nous ne pouvons pas parler d’un vrai mécanisme de mise en œuvre de ce Covenant, car son article 24 parle d’une commission islamique des droits de l'enfant composée des représentants des Etats partis, pas d’une commission composée des experts indépendants. En plus, cet article ne donne aucune précision concernant le rôle de cette commission, est-ce qu’elle a un rôle de promotion ou de protection des droits de l’enfants dans les Etats membres de l’O.C.I.? Ou est-ce qu’elle le droit de recevoir des communications étatiques ou individuelles?

Il n’en reste pas moins que l’O.C.I. a franchi un pas très important par l’adoption, en 2005, du Covenant des droits de l’enfant en Islam, dans le domaine de la protection des droits de l’homme et spécialement dans le domaine de la protection des droits de l’enfant dans les Etats membres de cette Organisation. L’adoption de ce Covenant est la suite logique de l’adoption en 1994 de la Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique.

Nous attendons maintenant l’entrée en vigueur de ce Covenant après le dépôt du 20ème instrument de ratification auprès du Secrétaire général de l’O.C.I.[21], ce qui permettra plus tard son mécanisme d’application.

Notes

[1]* Article publié dans Vingt ans de l‘IDHL. Parcours et réflexions, Cahier spécial, Institut des Droits de l’Homme de Lyon, Université Catholique de Lyon, 2007, pp. 121-135.

Les Etats arabes sont les membres de la Ligue des Etats arabes qui en regroupe 22 Etat: l’Algérie, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Iles des Comores, le Djibouti, l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, le Sultanat d’Oman, la Palestine, le Qatar, la Somalie, le Soudan, la Syrie, la Tunisie et le Yémen.

[2] Les deux autres sanctuaires sont: la mosquée Al-Haram à la Mecque et la mosquée du Prophète Mohammed à Médine (Arabie saoudite).

[3] Voir les raisons historiques de la création de cette Organisation et ses organes in Mohammed Amin AL-MIDANI, "Le mouvement du panislamisme: son origine, son développement, et la création de l’Organisation de la Conférence Islamique", le Courrier du Geri. Recherches d’islamologie et de théologie musulmane, 5-6 années, volumes 5-6, n° 1-2, 2002-2003, pp. 109-117.

[4] Voir la liste de ces Etats sur le site de l’O.C.I.: http://www.oic-oci.org.

[5] Voir ces organes in Mohammed Amin AL-MIDANI, Les droits de l'homme et l'Islam. Textes des Organisations arabes et islamiques Association des Publications de la Faculté de Théologie Protestante, Université Marc Bloch, Strasbourg, 2003. pp. 10-11. (ci-après, AL-MIDANI, Les droits de l’homme et l’Islam).

[6] Voir le texte de cette Déclaration, Ibid., pp. 79-83.

[7] Voir, Mohammed Amin AL-MIDANI, "La famille musulmane et la Shari’a" in Les droits de la famille en Europe, son évolution depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. Actes des journées internationales d'histoire du droit, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg 1992, pp. 29-40.

[8] Voir les sources de la Charia in Mohammed Amin AL-MIDANI, "Introduction au droit musulman", I Tre Annelli, les trois anneaux, revue des trois cultures monothéistes, n°7, avril 2004, pp. 31-47.

[9] Cette étude ne nous permet ni de développer ces raisons ni de présenter ces conditions. Nous nous contentons d’exposer quelques principes liés à la question de l’avortement:

  1. Le sperme ne peut pas être considéré comme ayant une vie tant qu’il n’a pas atteint l’état d’un caillot du sang.
  2. Il est interdit de pratiquer l’avortement si le sperme a atteint l’état du caillot du sang.
  3. Il y a dans ce domaine trois droits qui doivent être respectés, à savoir:
    1. Les droits du fœtus.
    2. Les droits des parents.
    3. Les droits de la société.

Une parole (hadith) du Prophète Mohammed a traité de la question de l’avortement: "La conception de chacun d’entre vous, dans le ventre de sa mère s’accomplit en quarante jours ; d’abord sous la forme d’une semence, puis sous celle de plasma sanguin pour une même période, puis sous celle d’un morceau de chair, pour une période semblable….", AN NAWAWI, Quarante Hadiths. Traduite en français par Khaldoun KINANY et Ahmed VALSAN, éd. Dar al-Koran al-Kareem, Beyrouth, Damas, 1980, p. 40.

[10] "Lorsqu’on annonce à l’un d’eux la naissance d’une fille, son visage s’assombrit, il suffoque, il se tient à l’écart, loin des gens, à cause du malheur qui lui a été annoncé. Va-t-il conserver cette enfant, malgré sa honte, ou bien l’enfouira t-il dans la poussière? Leur jugement n’est-il pas détestable?". Le Coran. Introduction, traduction et notes par Denise MASSON, Gallimard, 1967, (chapitre 16/58-59).

[11] Voir notre avis concernant ce sujet in Mohammed Amin AL-MIDANI, "La Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit musulman", in Lectures contemporaines du droit islamique. Europe et monde arabe, sous la direction de Franck Frégosi. Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 2004, p. 172.

[12] Le respect de ces règles a amené quelques Etats membres de l’O.C.I. à présenter quelques réserves et déclarations concernant les articles de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant de 1989.

[13] Voir ce texte sur le site de l’O.C.I., http://www.oic-oci.org.

[14] Nous rappelons que tous les Etats membres de l’O.C.I., ont ratifié cette Convention internationale.

[15] Voir les textes de ces deux Déclarations AL-MIDANI, Les droits de l’homme et l’Islam, pp. 55 et s.

[16] Il y a une confusion concernant le titre de cette Déclaration. C’est la même Déclaration avec deux titres: la Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique, et la Déclaration des droits de l’enfant et sa protection en Islam.

[17] La Charte africaine du bien être de l’enfant de 1990, entrée en vigueur en 1999, définit l’enfant comme "tout être humain âgé de moins de 18 ans".

[18] Voir cette Charte in AL-MIDANI, Les droits de l’homme et l’Islam, pp. 55 et s.

[19] On rappelle que la Charte africaine des êtres de l’enfant de 1990, entrée en vigueur en 1999, a consacré son article 23 aux "Enfants réfugiés".

[20] Nous rappelons qu’un groupe d’experts arabes a adopté lors d’une réunion au Caire du 16 au 19 novembre 1992 "La Déclaration sur la protection des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde arabe". Voir cette Déclaration in AL-MIDANI, Les droits de l’homme et l’Islam, pp. 135 et s.

[21] Aucun instrument de ratification n'a été déposé, à notre connaissance, jusqu’au 30 avril 2006, auprès du Secrétaire général de l’O.C.I.

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