Le Pacte des droits de l'enfant arabe de 1983

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Il a été décidé, lors du premier congrès arabe sur l'enfant arabe tenu à Tunis du 8 au 10 avril 1980, d'élaborer le projet d'un pacte des droits de l'enfant arabe. Deux ans plus tard, le Secrétariat général de la Ligue des Etats arabes a présenté ce projet au Conseil des ministres des Affaires sociales arabes lors de leur quatrième session à Tunis du 4 au 6 décembre 1983, et ces ministres ont adopté le Pacte des droits de l'enfant arabe.

Ce Pacte contient un préambule, 51 paragraphes divisés en 17 principes, 6 buts, 16 moyens pour réaliser ces principes et buts, un programme commun en vue de développer et protéger l'enfance en 9 points, et des dispositions finales en 3 points.

Au sens de cette Charte arabe, et selon son préambule, l'enfant arabe est chaque nouveau-né jusqu'à ses quinze ans.

Malheureusement, le Pacte des droits de l'enfant arabe ne contient pas un vrai mécanisme de protection ! Aucun organe de contrôle n'a été créé ! L'article 50 incombe aux Etats membres de la Ligue, pas seulement aux Etats faisant partie du Pacte, de présenter, d'une part, au Secrétariat de la Ligue « des rapports sur les mesures qu'ils ont adopté ainsi que sur les réalisations effectuées au regard de ce qui a été convenu dans le présent Pacte », mais sans préciser si ces rapports sont des rapports initiaux ou périodiques. Ce même article précise, d'autre part, qu'il faut que ces rapports mentionnent également les facteurs et les obstacles « qui se répercutent sur le degré d'exécution des obligations découlant du présent Pacte ». Mais ce dernier n'explique pas s'il y a une suite à donner à ces rapports de la part de ce Secrétariat ou de la part, par exemple, de la Commission permanente arabe des droits de l'homme[1].

Enfin l'article 51 considère que le Pacte exécutoire « dès sa ratification par les ministres arabes des affaires sociales ». Dès lors, est-ce que ce Pacte est vraiment en application tant que ces ministres l'ont adopté en 1983 ? Ou est-ce qu'il faut que cette ratification soit approuvée de la part des Etats membres de la Ligue arabe ? Quelques auteurs ont précisé que sept Etats arabes ont approuvé ce Pacte. Ce sont : la Palestine représentée par l'O.L.P. (1985), la Syrie (1985), l'Irak (1986), la Libye (1987), la Jordanie (1992), et l'Egypte (1994)[2]. Nous pensons aussi que ces Etats membres doivent approuver ce Pacte pour envoyer ensuite leurs rapports au Secrétariat de la Ligue comme l'article 50 l'a exigé.

Le texte du Pacte des droits de l'enfant arabe[3]

Les Etats arabes,

Partant de leur foi et de cette vérité selon laquelle, le monde arabe est le berceau des religions, des civilisations et des cultures, dont les hautes valeurs humaines ont proclamé la dignité de l'Homme, ont réitéré avec insistance son droit à une existence dans laquelle il partage le progrès de l'humanité, à une vie digne dominée par la liberté, la justice et l'égalité et ont proclamé la place privilégiée de l'Homme dans la société et dans l'existence d'une façon générale en tant que gouvernant sur terre.

Partant des vérités objectives relatives à ce qu'ils ont vécu comme épopées militantes, à leur désir d'un avenir radieux, où règne un développement continu et rapide dont pourra profiter chaque membre de la nation arabe, sans exception, sur la base de la justice et de l'égalité,

Conscients des défis qu'ils doivent relever compte tenu d'une situation caractérisée par la dispersion, telle qu'imposée et instituée par la colonisation, défis que seule l'union permettra de relever. Compte tenu d'un sous-développement économique et social dont seul un développement intégral pourra venir à bout, du colonialisme sous toutes ses formes dont la plus sombre est l'occupation sioniste, que seule une libération intégrale peut repousser, de l'invasion intellectuelle et culturelle à laquelle seule l'authenticité arabe peut faire front.

Fiers de tous les concepts et coutumes que la nation arabe, au fil de son histoire, a forgés et qui ont guidé la civilisation humaine dans son progrès,

Convaincus de cette vérité selon laquelle les enfants d'aujourd'hui constituent les jeunes du futur, hommes et femmes, et les faiseurs de la gloire de la nation arabe, qu'autant nous les protégeons, les entourons et investissons de ces tâches, autant nous rendons ce lendemain glorieux à notre portée. Soucieux de garantir à la nation arabe son avenir, la pérennité de son patrimoine national, sa marche vers l'unité, son apport à la civilisation et son rôle dans l'histoire.

Reconnaissants que les efforts fournis, pour le développement de l'enfance et sa protection, sont encore insuffisants dans le monde arabe et ne sont pas appropriés par rapport à ce que nous souhaitons pour nos enfants, quant à leur présent, et par rapport à ce qui est de nature à leur permettre, dans l'avenir, d'endosser la responsabilité de la construction de la nation et de sa protection.

Conformément aux principes proclamés par la Charte des Nations-Unies, par la Déclaration relative au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, par la Déclaration sur l'alimentation et le développement social, par la Déclaration universelle des droits de l'Homme, par la Déclaration universelle des droits de l'enfant et autres textes internationaux.

Conformément aux buts et principes proclamés dans la Charte de la Ligue des Etats arabes, dans le statut de ses agences spécialisées et dans la Charte de l'action sociale des Etats arabes. Conformément à la stratégie du monde arabe dans le domaine de l'action sociale et celui du développement de l'éducation et à tout ce qui a émané des conférences arabes au Sommet concernant le travail arabe commun, ainsi que la stratégie arabe de l'action économique commune. Soucieux de garantir une protection intégrale et un développement global de chaque enfant arabe du jour de sa naissance jusqu'à l'âge de 15 ans accomplis.

Conviennent du Pacte dont le texte suit et s'engagent à respecter tous ses principes et règles comme fondements à leurs politiques, plans et efforts dans le domaine du développement de l'enfance et sa protection.


Les principes

Ce Pacte est fondé sur les principes suivants :

A. Les buts principaux :

  1. Le développement de l'enfance et sa protection ainsi que la protection de ses droits sont des composantes fondamentales du développement social voire l'essence du développement intégral. Et l'enfance, étant l'avenir, elle est le facteur essentiel de l'accomplissement de ce dernier. Dès lors, sa protection est une priorité dans les efforts de développement ainsi que dans les programmes sectoriels, afin que l'enfant puisse bénéficier de ce qu'il y a de mieux dans notre nation pour la production de ce qu'il y a de mieux dans la vie, à partir de ce qu'il y a de mieux dans l'Homme et pour son bien.
  2. Le développement de l'enfance et sa protection constituent un devoir religieux et humain, patriotique et national, devoir qui prend sa source dans notre foi, nos valeurs spirituelles et sociales, notre tradition et nos principes, la réalité de notre vécu ainsi que nos ambitions.
  3. L'éducation convenable de l'enfant est une responsabilité pour tous. La charge en incombe à l'Etat et à la nation et y prend part le peuple, dans le cadre de la solidarité sociale. Elle est orientée vers l'épanouissement de l'enfant de manière à enrichir sa personne et son être, à développer son amour pour ses semblables, sa famille et sa patrie, à le rendre fier du patrimoine de sa nation et de sa civilisation et à le pousser à oeuvrer pour réaliser l'unité de la nation et son développement.
  4. La famille est la cellule fondamentale de la société, elle est fondée sur la solidarité telle qu'enseignée par la religion, la morale et le sens civique. C'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité de sa protection ainsi qu'à tous ses membres, de tout ce qui est de nature à l'affaiblir ou conduire à sa décomposition, de même qu'il lui incombe d'offrir les garanties suffisantes à cet effet. Il revient également à l'Etat d'offrir les services nécessaires à l'épanouissement de la famille et au développement de ses aptitudes sociales et productives pour la construction de la nation et sa promotion, afin que la famille soit apte à prodiguer à ses membres la protection, la chaleur, la tendresse, la quiétude, la stabilité et la sécurité sociale susceptibles d'aboutir à un développement sain en son sein. Les enfants ne sont retirés à leurs familles qu'en cas de nécessité impérieuse et lorsque leur avenir est menacé.
  5. L'appui prodigué à la famille, afin qu'elle remplisse ses devoirs envers ses membres est fondamental en ce qui concerne les efforts pour le développement et la protection de l'enfance et c'est à l'Etat de lui assurer la stabilité économique et sociale.
  6. La famille naturelle constitue le cadre idéal pour élever les enfants, assurer leur éducation et leur protection. Un foyer de substitution constitue l'alternative en vue de faire face à l'impossibilité d'élever les enfants et les éduquer dans leur famille naturelle, de même qu'il constitue l'alternative privilégiée parmi toutes celles qui peuvent s'offrir y compris la prise en charge par une institution.
  7. L'engagement à garantir les droits figurant dans la Déclaration universelle des droits de l'enfant à tous les enfants arabes sans distinction.

B. Les droits fondamentaux de l'enfant arabe.

  1. Appuyer et garantir les droits de l'enfant à la protection et à être élevé dans une famille fondée sur la stabilité, l'affection et la chaleur, à disposer d'un statut digne de lui dans sa famille de sorte qu'il puisse inter-agir positivement en son sein et qu'il soit son centre d'intérêt, de manière à garanti la satisfaction de ses besoins biologiques, psychologiques, spirituels et sociaux et de manière à l'aider à se construire sa propre personnalité et à se doter d'une liberté de pensée et d'opinion qui soient adéquats par rapport à ses capacités et ce sans distinction entre filles et garçons.
  2. Appuyer et garantir le droit de l'enfant à la sécurité sociale et son droit à être élevé en bonne santé, grâce à une protection sanitaire qui s'étend aussi bien à la prévention qu'aux soins pour lui et pour sa mère et ce dès le premier jour de la grossesse de cette dernière. Entreprendre la restauration du milieu dans lequel grandit l'enfant. Garantir son droit à un logement décent pour l'abriter, son droit à être suffisamment nourri et à une alimentation équilibrée adaptée à chaque stade de sa croissance.
  3. Appuyer et garantir le droit de l'enfant à un nom et à une nationalité dès sa naissance.
  4. Appuyer et garantir le droit de l'enfant à une scolarisation gratuite et à une éducation qui aille au moins du niveau pré scolaire à l'enseignement de base, sachant que la scolarisation constitue pour l'enfant, la pierre angulaire pour son adaptation continue dans l'acquisition des aptitudes et des capacités au moyen desquelles il pourra faire face à des situations inédites, au moyen d'un savoir sans cesse renouvelé, qu'elle lui permettra de se débarrasser de valeurs inutiles et de traditions désuètes dont l'effet est négatif, et de se doter en grandissant d'un esprit rationnel et objectif et de la faculté de bien juger les situations, elle lui permettra d'avoir le sens de l'amour du travail et son attachement à bien l'accomplir de même qu'elle le dotera d'une capacité à promouvoir son niveau de vie de même qu'à développer sa culture générale et à contribuer de manière positive à la vie au sein de sa société et de sa nation. Garantir son droit à une acquisition continue de la culture ainsi qu'à une exploitation optimale de son temps libre, son droit aux loisirs par les jeux, le sport et la lecture.
  5. Appuyer et garantir son droit aux services sociaux et institutionnels dans leur complémentarité et de manière équilibrée, focalisés sur tous les secteurs de l'enfance dans les campagnes comme dans les villes et notamment aux enfants les plus démunis de ces milieux, aux enfants sains aussi bien qu'aux handicapés et aux doués d'entre eux, chacun selon ses besoins de façon à leur garantir une vie paisible et une bonne éducation, l'intégration au sein de la société et la contribution à sa construction et à son développement.
  6. Appuyer et garantir le droit de l'enfant à la protection étatique afin de le prémunir de toute exploitation et de toute négligence physique ou spirituelle même si cette négligence était du fait de sa propre famille, son droit à la réglementation du travail des enfants afin qu'il ne commence qu'à un âge adéquat. Faire en sorte à ce que l'enfant n'exerce aucun travail ni métier qui nuise à sa santé ou l'expose au danger ou entrave sa scolarité ou bloque ses chances de croissance physique, mentale ou psychique, morale ou sociale, faire en sorte à ce qu'il soit prioritaire dans la prévention ainsi que les secours lors des cataclysmes, surtout lorsqu'il s'agit d'enfants handicapés.
  7. Appuyer son droit à s'ouvrir au monde qui l'entoure et à grandir sur la base de valeurs fondées sur l'amour de l'être humain, l'importance de la paix et de l'amitié entre les peuples et l'amour de son prochain.

C. Protection de droits et détermination des moyens.

  1. Garantir ces droits et les entourer d'une protection législative dans chaque Etat arabe et ce en considération des engagements pris sur la base du présent Pacte et faire en sorte que l'intérêt de l'enfant soit prioritaire dans tous les cas.
  2. Prendre les mesures de développement et de prévention nécessaire, étant donné que le développement intégral et équilibré constituent la solution radicale aux problèmes de l'enfance ainsi qu'à tous les autres problèmes, et que la prévention des handicaps d'enfants vaut mieux que leur prise en charge une fois qu'ils sont installés.
  3. Prendre en compte le principe de la complémentarité pour pourvoir aux besoins fondamentaux et offrir les services nécessaires aux enfants, les distribuer de manière intégrale et équitable, les concentrer là où les besoins se font le plus ressentir et oeuvrer sans interruption grâce à un travail arabe commun à réduire le développement inégal, en matière de protection de l'enfance, entre pays arabes et dans les pays arabes eux-mêmes en raison des larges écarts de développement.

Les objectifs

Ce Pacte vise à réaliser ce qui suit :

  1. L'objectif suprême du présent Pacte, est de permettre d'élever des générations d'enfants arabes, qui incarnent l'avenir tel que nous le projetons et qui soient capables de réaliser cet avenir. Des générations arabes, ayant la foi en Dieu, attachées aux principes de sa foi, conscientes de sa mission vis-à-vis de la nation, dévouées à leurs Etats, confiantes en elles, attachées aux principes de la justice et du bien, qui aspirent aussi bien de par leurs idées, leur pratique et leur conduite, aussi bien individuelles que collectives, aux valeurs suprêmes de l'Humanité.

Il découle de cet objectif suprême les buts suivant qui sont de nature à le servir :

  1. Entourer la famille des garanties susceptibles de lui assurer les besoins essentiels et les garanties sociales de nature à lui permettre d'élever ses enfants dans la stabilité et avec une protection intégrale que l'Etat s'engage à assurer. Faire en sorte que la famille évolue dans une société qui assure le plein emploi à ses enfants, et où ces enfants s'engagent à travailler afin d'améliorer la productivité et de permettre à la mère d'apporter la plus grande protection à ses enfants.
  2. Prodiguer la pleine protection sanitaire aussi bien au niveau de la prévention que celui des soins à chaque enfant et à sa mère.
  3. Etablir un système éducatif sain, dans chaque Etat arabe et dans le cadre de la nation arabe, fondé sur une scolarisation de base, obligatoire et gratuite à tous les niveaux, pour tous ceux qui sont capable de poursuivre leurs études depuis l'étape préscolaire jusqu'aux études universitaires et ce sans discrimination d'ordre économique, social ou politique, tout ceci en s'appuyant sur la stratégie de développement de l'éducation dans le monde arabe.
  4. Fonder un service social élaboré ayant vocation au développement, qui soit offert à tous les enfants pleinement de manière équilibrée et complémentaire, plus particulièrement aux familles nécessiteuses. Un service qui soit concentré aux endroits les plus éloignés et ceux où les besoins sont les plus pressants. Un service qui mette en oeuvre des modes de défense sociale pour la prévention contre la déviance et la prise en charge des déviants.
  5. Fonder un système de protection et d'éducation spécifique aux enfants handicapés, de façon à favoriser leur intégration dans une vie normale et productive et à permettre à ceux d'entre eux qui sont doués de développer leurs dons, de les mettre en valeur dans leur intérêt et celui de leur nation.

Les exigences et les moyens

La réalisation des principes et des objectifs déterminés par le présent Pacte nécessite la mise à disposition de moyen adéquats, ce qui exige de mobiliser la totalité des ressources nationales et de veiller à employer des méthodes déjà expérimentées qui ont déjà fait leurs preuves notamment dans le monde arabe.

  1. L'existence d'une volonté politique et la prise de décisions de nature à faire du développement de l'enfance et sa protection une priorité arabe suprême.
  2. La mise en oeuvre, le plus rapidement possible, d'un développement national global et le respect d'un plan rationnel de protection de l'enfance par la programmation de ce dernier, son organisation, sa gestion, son exécution et le suivi de ses résultats dans la perspective de la correction de sa trajectoire.
  3. La mise en place, dans chaque Etat arabe, d'un comité pour l'enfance dont seraient membres des institutions officielles, locales et populaires compétentes et portant intérêt à la protection de l'enfance, comité qui coordonnerait ses efforts pour la mise en place de politiques, pour la planification, l'exécution, le suivi et le redressement et dont les missions urgentes seraient de :
    1. Procéder à des études et à des inventaires intégraux qui permettent de redresser l'état actuel de l'enfance dans les différents domaines économique, social, sanitaire, éducatif et culturel afin que ces études constituent le fondement de la planification en vue des efforts pour la protection de l'enfance.
    2. Mettre en place un plan, basé sur ce que renferme ce Pacte et ce qu'a projeté la stratégie d'action sociale dans le monde arabe. Déterminer les priorités et les étapes qui permettent de mettre ce plan à exécution, en fixer les échéances et les ressources nécessaires à sa réalisation, dans le cadre du plan national de développement économique et social.
  4. Suivre les procédés adéquats pour prodiguer la protection et les services essentiels à l'enfance par le biais de centres à vocations multiples et de personnes à spécialités et à responsabilités multiples.
  5. Accorder un intérêt à la formation des cadres spécialisés dans les domaines de l'enfance et de la maternité et des services y relatifs. Cette formation doit également concerner les cadres locaux et ceux des organisations populaires avec un intérêt particulier aux assistants oeuvrant à la base car c'est là que se situent les besoins réels et les services directs et c'est donc là que l'efficacité est mise à l'épreuve dans la protection de l'enfance et de la maternité.

Tout ceci nécessite de revoir les modalités et les programmes de spécialisation et de formation des ressources humaines oeuvrant dans le secteur de l'enfance, avec un intérêt particulier pour les difficultés et les conditions particulières posées par l'environnement, lors de l'élaboration de ces programmes et avec l'usage de moyens simples dans la prestation des services, moyens qu'il faudra conserver chaque fois qu'ils sont jugés suffisants.

  1. Mettre en place un réseau d'institutions et de services à vocations multiples, aptes à faire parvenir les services essentiels aux enfants, quel que soit leur environnement, avec une priorité pour les zones rurales et les quartiers déshérités des villes. Instaurer ces services au sein des centres et institutions que les individus ont coutume de fréquenter, tels que les écoles, les centres sociaux ou les mosquées, autant que faire se peut.
  2. Respecter tout ce que la stratégie de développement de l'éducation, dans le monde arabe, a planifié en pourvoyant à tous ce qui est nécessaire à sa mise en oeuvre.
  3. Accorder plus d'attention et plus d'efforts pour la protection et l'éducation de l'enfant dans la phase préscolaire, en oeuvrant à offrir toutes les institutions et les espaces adéquats tels que les crèches, les jardins d'enfants, les écoles coraniques, les places et les clubs d'enfants, et ce en raison de l'importance de cette période cruciale de la vie présente et future de l'enfant dans la formation de sa personnalité.
  4. Soutenir les institutions au service de l'enfance et plus particulièrement celles d'entre elles sises dans les campagnes, les zones rurales et les quartiers déshérités des villes et généraliser le système de la santé scolaire.
  5. Accorder de l'intérêt aux statistiques et aux études ainsi qu'aux institutions et organes qui en sont chargés, en créer de nouvelles dans chaque pays arabe ainsi qu'à l'échelle du monde arabe.
  6. Créer les ressources humaines et financiers nécessaires à l'exécution des plans et programmes de protection de l'enfance et établir des politiques stables de financement de ces plans et programmes afin d'assurer leur efficacité et leur pérennité.
  7. Moderniser l'administration ainsi que la structure des institutions afin de les rendre aptes à s'adapter aux exigences des services requis et à chaque étape de l'action dans ce domaine, et prévoir une structure spécialisée dans la protection de l'enfance, au sein de l'organigramme de chaque administration compétente.
  8. Veiller à la participation de la famille et de la population à la protection et au développement de l'enfance, à l'appui aux institutions, aux structures, aux associations et aux fédérations locales et populaires qui y prennent part. Veiller à encourager les efforts individuels et les initiatives locales, en leur apportant le soutien financier et technique et en assurant la formation des cadres qui y sont impliqués afin qu'elles soient aptes à aider les familles, et à présenter les programmes locaux adéquats pour les enfants. Veiller à ce que les institutions locales et populaires soient impliquées dans toutes les étapes de prise de décisions dans la détermination des politiques et des plans, dans la programmation, la répartition des tâches, l'exécution, le suivi et l'évaluation et ce dans le cadre d'un comité national et des comités locaux qui en émaneraient. Ceci est de nature à favoriser une participation populaire, globale et efficace car c'est l'efficacité de ce champ vital qui est de nature à créer des moyens et des ressources extraordinaires, c'est ce champ qui constitue une école en matière de coopération et de solidarité et un mode d'entraînement des citoyens au travail social et de diffusion d'un esprit de fraternité dans la société.
  9. Diffuser et enraciner chez les citoyens, les parents, tous les membres de la famille voire chaque membre de la société arabe, un haut degré de responsabilité. Faire prendre conscience à la société arabe de l'importance de l'enfance et des différentes étapes de son développement d'où la nécessité de sa protection. La responsabilisation de la société, dans ce domaine constitue, un outil important pour faire prendre conscience de l'importance de l'enfance et des problèmes qu'elle pose, pour susciter et rassembler les efforts et capacités dans le but d'oeuvrer positivement et constructivement dans ce domaine vital. Ces efforts sont d'autant plus importants, que de larges franges de la société arabe, les riches comme les pauvres, les instruits comme les analphabètes, les femmes comme les hommes, souffrent d'un manque de prise de conscience concernant les étapes du développement des enfants et des besoins propres à chaque étape, depuis la phase foetale en passant par toutes celles qui font sa croissance, c'est du moins ce que démontrent les études de terrain et les réponses aux questionnaires établis à cet effet. Cette situation est négligée par nos systèmes éducatifs tout comme par nos moyens d'information et de communication qui ne lui accordent pas l'intérêt qui lui est du. De même que les ouvrages ou les articles qui sont consacrés à ce sujet restent rares et lorsqu'ils existent manquent de clarté.
  10. Il est urgent de s'aider au maximum des différents moyens d'information, car sans eux il est impossible d'instituer une action utile dans une société où l'illettrisme constitue une des tares majeures. Aussi les moyens d'information, en raison de leur large diffusion dans le monde arabe, ainsi que leur influence remarquable dans la formation de l'opinion publique et le fait qu'ils constituent l'unique source de savoir dans une société largement analphabète sont appelés à consacrer une large part de leurs efforts aux problèmes de l'enfance à travers une programmation spécifique, et en prenant conscience de l'importance de son rôle dans la formation et l'éducation des enfants et des adultes. De même qu'il est indispensable de trier les programmes étrangers que diffusent les moyens d'information, afin de les expurger de tout ce qui est contraire à nos valeurs et tout ce qui est susceptible d'exercer une influence néfaste sur nos enfants.
  11. Une bonne législation est l'outil adéquat pour la consécration juridique des droits, dont les droits de l'enfant, et leur garantie, de même qu'elle constitue l'un des moyens d'assurer le respect de ce Pacte et la réalisation de ses objectifs.

Ce cadre juridique doit impérativement renfermer les questions suivantes :

  1. La proclamation de la protection juridique des droits de l'enfant de manière claire et détaillée.
  2. L'élaboration et la révision des lois.
    1. Réviser la législation générale dans le sens de l'intérêt de l'enfant et de la famille et leur protection conformément à ce qui est convenu dans le présent Pacte.
    2. Adopter des lois spécifiques, distinctes de la législation générale, consacrées à l'enfance et à sa protection, consacrant un statut juridique à l'enfant, garantissant sa protection et celle de sa famille ou bien réviser les lois déjà existantes dans ce domaine afin de les harmoniser avec les dispositions du présent pacte notamment :
      1. Le droit de la famille : ses dispositions doivent être fondées sur l'intérêt de l'enfant et celle de la famille avec la consécration de droits légitimes dont la mise en oeuvre est obligatoire, notamment dans les domaines suivants :
        1. La limitation de l'âge minimum pour le mariage avec l'instauration du certificat médical prénuptial obligatoire.
        2. L'organisation de la polygamie selon les principes de la Charia musulmane.
        3. L'organisation du divorce.
        4. L'organisation du système de pension pour les enfants et le relier en cas de divorce au niveau du revenu du père ou du tuteur.
        5. La consécration du droit de l'enfant à un habitat décent et la limitation du droit du propriétaire, qu'il soit le père ou la mère de l'enfant, à disposer de l'habitation, ou alors faire du domicile conjugal la propriété du couple notamment dans les cas où c'est l'Etat qui fournit le terrain ou l'habitation, et ce dans le but d'aider la famille à assurer la pérennité de son unité et de sa cohésion, de la protéger de la décomposition et de l'instabilité.
      1. Le droit de la protection de l'enfance : en vue d'organiser sa protection en institution ou au sein de la famille.
      2. Le droit de protection des mineurs : en vue de consacrer leur droit à une protection sociale et à un traitement spécifique.
      3. Le droit des catégories particulières : en vue de consacrer leur droit à une assistance économique et sociale, d'organiser cette assistance et de les traiter de manière à répondre à leurs besoins et les aider à s'insérer dans le circuit économique.
      4. Le droit des enfants naturels de manière à consacrer ce qui est de nature à garantir leurs droits, leur protection matérielle et affective.

L'action arabe commune dans le domaine de la promotion et de la protection de l'enfance

La consécration de la promotion et de la protection de l'enfance comme une des plus hautes priorités, nécessite la consécration et le renforcement de la coopération arabe et l'établissement des moyens de l'accroître et de la promouvoir en insistant particulièrement sur ce qui suit :

  1. La création d'une organisation arabe pour l'enfance qui se chargera de coordonner les efforts arabes dans le domaine de la promotion et de la protection de l'enfance, de proposer les politiques, les plans et les programmes nationaux, d'aider les Etats arabes dans l'élaboration de leurs politiques, plans programmes et projets dans ce domaine, de leur apporter le soutien technique et financier nécessaire, de faire des études et des recherches, de faciliter l'échange d'expériences, préparer et expérimenter des modèles arabes de programmes pionniers, d'aider à étendre le champ d'application des expériences réussies, et d'accomplir tout ce qui est de nature à promouvoir l'état de l'enfance dans le monde arabe, et à offrir les services essentiels pour l'éducation de générations arabes successives aptes à contribuer aux efforts de développement arabe et de restituer à notre nation sa place dans l'histoire.
  2. La création d'un fonds arabe pour la promotion de l'enfance et sa protection, dont les ressources seront consacrées aux programmes de l'organisation arabe pour l'enfance et plus particulièrement aux programmes nationaux et aux programmes communs et à pourvoir aux besoins élémentaires des enfants des Etats arabes les plus démunis.
  3. Le renforcement de la coopération arabe dans le domaine de l'unification de la terminologie et des systèmes statistiques afin de faciliter les études comparées, la recherche, la formation et l'échange d'informations, en appuyant toutes les institutions qui oeuvrent dans ces domaines.
  4. Accorder une priorité et offrir tous les moyens nécessaires à toutes les industries qui ont un rapport avec la promotion de l'enfance, et plus particulièrement, celles dont l'absence constitue une lacune importante et un obstacle au développement des efforts des Etats arabes dans le domaine de la protection de l'enfance, à l'instar d'une industrie pharmaceutique d'une industrie alimentaire, d'une industrie tournée vers l'élaboration et la production des moyens éducatifs, culturels, de loisirs, et de jouets pour enfants.
  5. Créer une organisation arabe pour la littérature, la presse, la radio et la télévision enfantines et ce en raison de l'importance cruciale de ces domaines qui souffrent d'un grand manque.
  6. Organiser des rencontres et des compétitions culturelles, artistiques, sportives et de scoutisme pour les enfants arabes, pousser les Etats arabes à procéder à des échanges dans ce domaine et eider les Organisations arabes concernées telles que les organisations de scoutisme et l'Union arabe des instituteurs.
  7. S'occuper des enfants arabes de l'immigration et appeler les organisations arabes concernées, chacune dans son domaine et notamment, l'organisation arabe pour l'éducation la culture et les sciences et l'organisation arabe du travail, à prendre en charge les enfants arabes émigrés travaillant en dehors du monde arabe.
  8. Ce Pacte insiste particulièrement sur l'importance cruciale que revêt la protection de l'enfant palestinien où il se trouve, à l'intérieur des territoires occupés ou au dehors, appuyer les organisations et structures palestiniennes qui ont en charge et continuer l'appui au peuple palestinien dans sa lutte pour son droit légitime à constituer un Etat sur son territoire.
  9. Renforcer la présence arabe dans toutes les organisations, les rencontres, et manifestations qui s'intéressent à la promotion de l'enfance et à sa protection et doubler la participation de la nation arabe dans ce champ à vocation humaine.

Dispositions générales

  1. Chaque Etat prendra, dans la limite de ses capacités matérielles et techniques, les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de ce Pacte avec toutes les mesures adéquates.
  2. Les Etats arabes présenteront régulièrement à la Ligue des Etats arabes (le secrétariat général) des rapports sur les mesures qu'ils ont adopté ainsi que sur les réalisations effectuées au regard de ce qui a été convenu dans le présent Pacte, avec une mention relative aux facteurs et obstacles qui se répercutent sur le degré d'exécution des obligations découlant du présent Pacte.
  3. Le présent Pacte devient exécutoire dès sa ratification par les ministres arabes des affaires sociales.


Notes

[1] Voir concernant cette Commission, Mohammed Amin AL-MIDANI, Les droits de l'homme et l'Islam. Textes des Organisations arabes et islamiques, Association des Publications de la Faculté de Théologie Protestante, Université Marc Bloch, Strasbourg, 2003, pp. 7 et s.

[2] Voir W. ALLAM, Les conventions internationales des droits de l'homme, Edition Dar al Nahda al Arabia, Le Caire, 1999, pp. 200 et s., (en langue arabe).

[3] Traduit de l'arabe par Salsabil KLIBI, Faculté des Sciences Juridiques Politiques et Sociales de Tunis, Tunisie.

Révisé par Mohammed Amin AL-MIDANI, Président du Centre Arabe pour l'Education au Droit International Humanitaire et aux Droits Humains, Strasbourg, France.

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